Home > actualités > La Terre Mère n’est pas à vendre !

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Pressenza, 22.10.22 | Source

La Terre Mère est vivante ! 

La Terre est vivante.

De la molécule à la cellule, de l’être vivant aux écosystèmes et à la planète elle-même, la vie s’appuie sur la non-séparation, l’équilibre et la cohérence quantique. C’est une résonance auto-organisée avec d’autres êtres vivants qui sont auto-organisés.

« Idéalement, la vie est un domaine qui absorbe et stocke l’énergie et mobilise son quantum de manière cohérente dans des cycles parfaitement appariés qui ne génèrent pas d’entropie. (…) Dans un univers à cohérence quantique, tous les êtres vivants sont à la fois localisés en tant que particules/solides et délocalisés en tant que fonctions d’ondes quantiques qui sont finalement réparties partout dans l’univers. Par conséquent, tous les êtres sont interdépendants et se déterminent mutuellement. En faisant du mal aux autres, nous finissons par nous faire du mal à nous-mêmes, et la meilleure façon de s’aider soi-même est d’aider les autres ». Mae Wan Ho [1]

Depuis plus de 4 milliards d’années, la Terre vivante a donné naissance à une incroyable diversité sur notre planète vivante, des virus et des biomes aux écosystèmes et aux espèces. Gaia tisse la toile de la vie, les fils et les relations qui relient la biodiversité de sa famille terrestre – Vasudhaiva Kutumbakam. (N.d.T.: Dans la mythologie grecque, Gaïa personnifie la Terre. Vasudhaiva Kutumbakam est une phrase en sanskrit signifiant le monde est une famille.) Grâce à sa biodiversité et à sa biosphère, la Terre vivante a autorégulé son climat en abaissant à 13 degrés les températures d’une planète autrefois chauffée à 290 degrés et dépourvue de vie. Grâce aux processus de vie, la Terre a réduit son atmosphère, alors riche en dioxyde de carbone, de 98 % avec 4000 ppm de dioxyde de carbone à 0,03 % avec 270 ppm. [2]

La Terre Mère a développé sa propre technologie sophistiquée de « capture et de stockage du CO₂ » (Carbon Capture and Sequestration) par photosynthèse, qui permet aux plantes et aux micro-organismes de capturer la lumière du soleil et le dioxyde de carbone dans l’atmosphère et de les transformer en oxygène, notre air. L’oxygène s’est accumulé dans l’atmosphère et la Terre est passée de l’atmosphère initiale riche en CO₂, qui stockait la chaleur, à une atmosphère pauvre en CO₂ grâce au processus d’oxydation des plantes et des organismes vivants. Cela a permis de réguler les températures à un niveau qui a rendu possible la vie humaine et d’autres formes de vie biologique sur la Terre.

Par sa biodiversité et sa biosphère, elle génère, préserve et soutient, régénère et renouvelle son infrastructure de vie, y compris le système climatique. La Terre Mère nous invite à participer à la biosphère des petits êtres vivants, des plantes et des animaux, et à façonner l’équilibre qui est la symphonie de la vie.

Nous sommes une fibre dans la toile de la vie.

Nous sommes des enfants de la Terre, et non ses maîtres ou ses propriétaires.

Nous sommes membres de l’unique famille terrestre.

Il y a 200 000 ans, la Terre vivante a créé les conditions permettant à notre espèce de se développer, de s’auto-entretenir et nous a donné, en tant que membres de la biosphère, la possibilité de subvenir à nos besoins fondamentaux de nourriture, de vêtements et de logement.

Nous vivons parce que la Terre vit. Apprendre à vivre en tant que membre de la biosphère, comme l’ont fait les peuples indigènes, les femmes et les petits agriculteurs, c’est notre travail pour la Terre, pour l’avenir de l’humanité.

La Terre Mère est vivante et a des droits

« La Terre Mère est une communauté indissociable d’êtres vivants divers et interdépendants avec lesquels nous partageons un destin commun et avec lesquels nous devrions être en relation d’une manière qui profite à la Terre Mère ». [3]

La diversité est le principe d’ordre de la nature, la base de l’émergence, du développement et de la capacité d’adaptation. La diversité dans la conception et les formes d’expression, dans les processus et les contextes, montre comment la nature crée des valeurs et de la force. La nature ne crée pas de monoculture ni d’uniformité. La nature ne crée pas de clôtures et de murs de séparation et de division de la propriété et de la propriété privée.

Nous sommes une fibre vivante et consciente dans le réseau vibrant de la vie. Nous sommes tous membres de l’unique famille terrestre, reliés les uns aux autres par la vie. Nous faisons partie de la Terre, nous n’en sommes pas séparés. Nous sommes les enfants de la Terre Mère, et non ses maîtres ou ses propriétaires. Nous faisons partie des plus jeunes frères et sœurs de la famille terrestre et avons beaucoup à apprendre de nos aînés, des micro-organismes et des plantes.

Les dons de la nature sont destinés à nourrir tous les êtres de la famille terrestre, pas seulement les humains. Tous les êtres ont droit aux dons de la Terre pour se nourrir. Nous ne sommes pas une espèce privilégiée qui peut priver les autres espèces de leur part, provoquer l’extinction d’autres espèces ou priver nos semblables de nourriture et d’eau.

L’économie de la nature et les processus de régénération écologique qui maintiennent la vie sont un bien commun de la vie.

La biodiversité, le sol et l’eau de la Terre ne sont pas des « inventions humaines », ils ne sont pas la « propriété privée » de quelques milliardaires et de leurs entreprises. Ce sont des biens communs, l’infrastructure de la vie – pas des « matières premières » industrielles dont on peut tirer des bénéfices et qui peuvent être négociées comme des placements financiers.

Chaque être vivant, du plus petit microbe au plus grand mammifère, est une partie du réseau de la vie. Tous les êtres vivants sont des êtres sensibles et ont une valeur et une signification propres. Ils ne sont pas des objets que l’on peut posséder et manipuler. Leur valeur n’est pas créée sur le marché et ne peut pas être réduite à de l’argent.

Les visions du monde et les paradigmes axés sur la terre ne placent pas l’homme au centre. Ils ne placent pas la mauvaise gestion de l’extractivisme au centre. Ils placent la vie et les processus de vie qui favorisent la vie au centre. Ils placent la valeur de la vie au centre.

Redonner à la Terre pour qu’elle puisse se régénérer et partager ses dons avec d’autres est au cœur de ce que signifie être membre de l’unique famille de la Terre.

La vie est un cycle régénérateur. La vie est impliquée dans les cycles de vie. Agir avec sollicitude et partager est une économie (Oikonomia) régénératrice – Oikonomia ou l’art de vivre (N.d.T.: Le mot grec Oikonomia signifie gestion d’un ménage).

L’économie de la nature est l’économie de la vie, qui maintient tout dans une régénération et un renouvellement constants.

Participer aux cycles de renouvellement et de régénération de la nature, basés sur les cycles de vie et les flux d’énergie, sur la nourriture, l’eau et l’air, signifie l’oikonomia, l’art de vivre.

La nature ne fonctionne pas en flux linéaires et extractifs dans une seule direction. La Terre Mère fonctionne selon des systèmes de cycles de vie économiques multiples et complexes, basés sur des cycles de renouvellement écologique, le recyclage, la loi du retour et la loi du don. Les économies circulaires vivantes favorisent une économie de durabilité par la régénération et le renouvellement. Les dons de la terre ne sont pas épuisés. Les graines deviennent des plantes, les plantes donnent à leur tour des graines. La nourriture est la monnaie du cycle alimentaire qui nourrit tous les êtres vivants dans le réseau de la vie. L’eau est la monnaie du cycle de l’eau qui étanche la soif du sol, des plantes, des animaux et de l’atmosphère.

L’économie de la nature est une économie autopoïétique à entropie négative, contrairement aux systèmes industriels automatisés qui reposent de manière allopoïétique sur l’apport externe d’énergie et de ressources et génèrent de l’énergie gaspillée sous forme d’entropie.

Les cycles de la nature sont des systèmes à zéro gaspillage et à zéro pollution, par opposition aux systèmes industriels alimentés par de l’énergie externe, qui génèrent des déchets et de la pollution.

Prendre soin de la Terre et de sa biodiversité est l’économie réelle à laquelle nous participons en répondant aux besoins des autres dans notre famille terrestre, qui à leur tour prennent soin de nous.

La coopération, la réciprocité et la synergie sont les principes de l’économie naturelle, et non la concurrence et l’extractivisme. La rareté est une idée utilisée pour s’approprier la terre et les ressources des gens. L’idée de rareté et d’avidité est à la base des conflits et des guerres. La paix survient lorsque tous les êtres vivants coopèrent dans la réciprocité et se font des dons pour créer la prospérité et les moyens de subsistance pour tous, en faisant de la conservation et de la régénération la base des économies vivantes et des moyens de subsistance.

C’est pourquoi nous prions : « Que la paix de la terre, de l’air, de l’atmosphère, des eaux, des plantes, des arbres… que cette paix soit avec vous ».

Co-construire avec la Terre Mère de manière non-violente signifie établir la paix et pourvoir aux besoins fondamentaux en nourriture et en eau, à la vie et aux moyens de subsistance de chaque être humain. Comme l’a dit Gandhi : « La Terre a assez pour les besoins de tous, mais pas pour l’avidité de quelques-uns ».

Nous avons l’obligation de protéger les systèmes vivants de la Terre et les infrastructures de la vie qui nous fournissent de l’eau propre, de l’air pur et des aliments irréprochables. Tous les êtres vivants ont le droit de recevoir les dons de la Terre. Tous les êtres vivants ont droit à la vie et à leur part de l’espace écologique. Aucun être humain, quelle que soit la richesse qu’il a acquise grâce à l’extractivisme, n’a le droit de s’approprier la part des autres, ces autres qui participent à l’économie de la nature, à l’économie de la vie.

Vivre, c’est participer aux processus de la vie.

Vivre signifie communautés. Vivre, c’est se réapproprier les biens communs de la vie et s’opposer aux nouvelles barrières imposées par la commercialisation de l’environnement.

« La monnaie de la vie, c’est la vie, pas l’argent »

La Terre Mère nous relie à sa vie et à la famille terrestre grâce aux flux vitaux d’énergie et d’air respirable, d’eau et de nourriture.

La monnaie signifie la fluidité. C’est le flux de la vie et de l’amour à travers le réseau de la vie dans la nature et la société qui nous soutient en tant qu’unité. Comme je l’ai souvent répété : La monnaie de la vie, c’est la vie, pas l’argent. L’eau est la monnaie de la vie. Le souffle est la monnaie de la vie. L’énergie vitale est la monnaie de la vie. Le soin est la monnaie de la vie. Les multiples monnaies de la vie augmentent l’infrastructure de la vie, afin que toute vie puisse prospérer.

L’urgence écologique actuelle est une conséquence de l’économie de la cupidité et de l’extractivisme, utilisés pour gagner de l’argent, et la quantité d’argent que l’on fait est devenue le critère de valeur, voire le critère de l’humanité elle-même. C’est la base de l’inhumanité, de la violence et des guerres contre la terre et contre les hommes au nom de l’exploitation des matières premières pour le marché.

Le commerce colonial était basé sur la commercialisation et la marchandisation de la nature, ne laissant plus rien pour la nature et les communautés locales. Les colons se sont enrichis. La nature et les populations colonisées ont été appauvries.

La maladie est désormais présentée comme un remède. Les marchés et l’argent sont présentés comme la solution aux catastrophes écologiques qu’ils ont déclenchées. La croissance économique, qui n’est qu’une mesure de ce qui a été extrait de la nature et de la société pour être transformé en argent, en capital et en finances, est présentée comme la solution aux crises écologiques provoquées par l’appât du gain et l’extractivisme.

Les lois de Gaïa sont le fondement de la vie sur terre. Elles ont la priorité sur la production, elles ont la priorité sur le commerce et elles ont la priorité sur le marché. Le marché dépend de Gaïa. Gaïa ne dépend pas du marché. La Terre et la société sont toutes deux prioritaires. Elles sont indépendantes et autonomes. Elles ne peuvent pas devenir des marchandises et être réduites au « marché libre ».

En à peine 500 ans de colonialisme, les prédateurs ont réduit Terra Madre, la Terre mère, à Terra Nullius, la terre morte et vide, à la possession que l’on s’approprie, à la matière première que l’on exploite. Les communautés centrées sur la terre, qui vivent en paix avec la terre en tant que partie de la terre, ont été qualifiées de « primitives ». L’oikonomia, l’art de vivre, a été violemment transformé en chrématisme, l’art de faire de l’argent.

Les prédateurs ont fait disparaître les monnaies de la vie et les ont remplacées par l’argent et les finances

Au cours des 100 années de l’ère pétrolière, les prédateurs ont remplacé le carbone vivant de la biodiversité par une fausse énergie de carbone fossile mort, interrompant ainsi l’autorégulation du système terrestre et nous apportant pollution, guerres et catastrophes climatiques.

Le changement climatique, l’extinction des espèces, les catastrophes économiques et les guerres trouvent leur origine dans la cupidité et les guerres contre la Terre et ses peuples. Toutes ces catastrophes trouvent leurs racines dans le contrôle de la vie, dans le contrôle du flux des semences de paysan à paysan, du flux de l’eau dans son lit, du flux de la nourriture qui nourrit tous les êtres vivants dans le réseau alimentaire, et du flux de l’argent qui reflète la matérialisation des ressources et des biens réels; et également dans le contrôle du flux de la liberté et de la démocratie, de la connaissance et de l’information. Contrôler le flux [de tout cela] signifie contrôler la vie et la liberté. C’est ainsi que l’argent est gagné et que le pouvoir s’accumule dans les mains de quelques-uns.

Aujourd’hui, les barons prédateurs qui se sont enrichis grâce au pétrole veulent créer de nouveaux marchés du carbone, de nouvelles propriétés des services écologiques de la nature, en réduisant la biodiversité et la nature à des actifs financiers qui peuvent être achetés et échangés. [4]

En 2021, Rockefeller et la Bourse de New York ont créé le Groupe d’échange intrinsèque [5], dont la mission se concentre sur « l’ouverture de la voie à une nouvelle classe d’actifs basée sur les biens naturels et le mécanisme de conversion de ces biens en capital financier » [6]. Un nouveau colonialisme, une nouvelle propriété, un nouvel encadrement des biens communs est élaboré par les barons prédateurs qui veulent posséder non seulement la nature, mais aussi ses services écologiques. Ces biens comprennent « les systèmes biologiques qui fournissent de l’air pur, de l’eau, de la nourriture, des médicaments, un climat stable, la santé humaine et le potentiel social » [7].

Les barons prédateurs d’aujourd’hui, les philanthro-capitalistes, les BlackRocks et les Vanguards tentent de posséder et de privatiser toute la nature ainsi que nos vies. Ils se transforment en princes de la vie, auxquels nous devrons payer un loyer pour l’air pur que nous respirons, la nourriture que nous mangeons et l’eau que nous buvons. Ce que la nature met gratuitement à notre disposition comme un cadeau devient désormais une marchandise que nous devons « acheter » à des prix élevés et à l’aide de crédits sociaux numériques dans la nouvelle économie qui est basée sur l’ancienne colonisation.

La machine monétaire tente de posséder la dernière graine, la dernière goutte d’eau, la dernière rivière, d’anéantir la dernière forêt et la dernière ferme, le dernier insecte et le dernier brin d’herbe. En créant des monnaies fictives et des finances fictives, la nature est rabaissée à une « valeur patrimoniale » qui est miraculeusement multipliée par 4000 billions de dollars.

La crise financière de 2008 a été le résultat des barons prédateurs de la finance qui ont magiquement gonflé l’économie de 90 billions de dollars de biens et services réels tels que les maisons et la nourriture en une économie financière fictive de 512 billions de dollars. L’économie financière s’est développée au détriment de millions de personnes, qui se sont retrouvées sans ressources et sans abri. Plus le monde réel est transformé en actifs, plus les sans-abri et la faim augmentent.

Wall Street et les sociétés d’investissement financier cherchent à présent à créer une économie financière fictive de 4 000 billions de dollars en prélevant des bénéfices sur les « actifs naturels » ou sur les biens et services que la Terre produit. Cette marchandisation est une mise sous cloche des biens communs de la vie. Elle est une tentative de posséder le dernier fleuve, la dernière forêt et le dernier hectare de terre. C’est une recette pour évincer et exproprier les véritables gardiens de la nature, les peuples indigènes et les petits paysans, qui sont laissés sans accès à la terre, aux forêts et à l’eau, ainsi qu’à leurs cultures et moyens de subsistance centrés sur la terre. La faim, la pauvreté, la marginalisation et l’expropriation augmentent. C’est une violation de l’économie de la nature, des droits de la Terre Mère, des droits de tous les êtres vivants et des droits humains.

La création de nouveaux algorithmes pour multiplier le capital et augmenter les ressources financières ne peut pas renouveler la vie qui a été perdue  à cause de la destruction écologique dans la nature. L’extractivisme permet de transformer la nature en argent. Mais on ne peut pas transformer l’argent en nature.

Un paysan africain a saisi la différence ontologique et écologique entre l’argent et la vie par une simple métaphore :

« On ne peut pas transformer un veau en vache en le recouvrant de boue ». [8]

La financiarisation de Mère Nature, qui la réduit à un « bien économique » et à une marchandise, poursuit l’aveuglement ontologique [en ce qui concerne la compréhension] de la manière dont Mère Terre crée et maintient la vie par ses monnaies autopoïétiques et ses flux de vie.

L’argent est un simple moyen d’échange de biens et de services réels, produits par un véritable travail. Mais l’argent s’est transformé en une construction mystérieuse, le « capital », qui pouvait produire de la richesse en niant le pouvoir créateur de la nature, des femmes, des paysans, des travailleurs, en contrôlant les biens communs et en permettant ainsi de posséder des biens communs en tant que propriété privée. C’est ainsi que le « capital » s’est transformé en « investissement ». Par le biais de multiples interprétations, les investissements se transforment en « rendements d’investissement », où ceux qui ne fournissent pas de travail réel, mais surveillent la richesse créée par l’exploitation de la nature et des hommes, accumulent encore plus de richesse et utilisent cette richesse pour exploiter davantage la nature et la société. La crise écologique s’aggrave. La pauvreté, la misère et l’exclusion augmentent.

La financiarisation de la nature est la dernière étape de la mutation de l’ »investissement », qui passe de la maintenance des dons de la nature à la réalisation de profits et à la fabrication d’argent.

Le sens originel d’ »investir » était de faire quelque chose de beau, d’habiller quelque chose. Dix ans seulement après la création de la Compagnie des Indes orientales en 1610, le sens de l’investissement a changé, passant de différentes manières de « s’habiller » et de « s’embellir » à « utiliser de l’argent pour faire des bénéfices » dans le contexte du commerce colonial entrepreneurial.

C’est John Locke qui a étendu cette signification à la « circulation de l’argent » afin de répondre aux besoins des propriété privées et des structures centrées sur l’argent créées par le commerce colonial. La croyance erronée selon laquelle l’argent est la monnaie de la vie a conduit à récompenser l’affairisme et même à vénérer les hommes d’affaires, tout en effaçant notre sens de connexion à la vie, et donc notre potentiel de compassion.

« Investir dans la planète » signifie pour les hommes d’affaires presser la dernière goutte de vie du système terrestre et priver les humains et les autres espèces de leur dernière liberté de se laisser soutenir par la terre, ses fleuves et ses monnaies.

Nous devons revenir au sens originel du mot « investir », habiller et produire de la beauté. Nous devons à nouveau habiller la terre avec la biodiversité des arbres de nos fermes et de nos forêts, avec la biodiversité des céréales de nos champs et de nos jardins. Nous devons renforcer la biodiversité, la photosynthèse et les flux de vie de la nature. Nous devons planter des graines et prendre soin du sol vivant, afin que les graines, le sol et le soleil puissent favoriser la circulation des énergies vitales et guérir les cycles interrompus. Nous devons investir dans l’amour, les soins et la compassion afin de renouveler la terre et de mettre fin aux guerres contre la terre et ses peuples.

La paix, la durabilité et la justice exigent la fin des guerres contre la Terre dans nos esprits et dans nos vies.

L’ère coloniale a fait de notre esprit un esclave et a brisé notre relation avec la Terre. L’ère des combustibles fossiles a pétrifié nos esprits et nos cœurs en faisant de nous des rouages sans défense dans la machine à pétrole, dans la machine à argent, des rouages que cette machine veut maintenant remplacer par des robots et par l’intelligence artificielle.

La Terre Mère nous réveille pour nous libérer de l’arrogance anthropocentrique qui rend les hommes riches et puissants aveugles à la vie, à la créativité, aux techniques et à l’économie de la nature, et qui leur permet de nous refuser notre part et notre place légitimes en tant qu’êtres terrestres dans l’économie de vie de la Terre Mère, qui assure la vie et la prospérité, la nourriture et l’eau pour tous.

Alors que l’argent et la finance s’éloignent de plus en plus de l’économie de la nature et des économies réelles des moyens de subsistance que les êtres humains créent, alors que les fortunes se multiplient mystérieusement et se concentrent dans les mains de quelques milliardaires et de leurs fonds de gestion de fortune, il est temps de se souvenir de la prophétie des Indiens Cree.

« Quand le dernier arbre sera abattu, le dernier poisson pêché et la dernière rivière empoisonnée, tu comprendras que l’argent ne se mange pas ».

Semer notre avenir commun avec la Terre Mère

Nous sommes des êtres biologiques, des êtres écologiques, des êtres terrestres, des êtres interconnectés, des êtres spirituels. Nous sommes une famille terrestre. Les graines ne sont pas des machines. Les plantes ne sont pas des machines. Les animaux ne sont pas des machines. Nous ne sommes pas des machines. Notre esprit n’est pas une machine. Nous sommes des êtres conscients, intelligents, attentionnés, avec le potentiel de créer et de cultiver pour nous-mêmes un avenir de paix et de non-violence, d’abondance et de prospérité.

La vie consiste d’une complexité et d’une intelligence auto-organisées en constante évolution, interaction, changement et émergence. Grâce à la graine, j’ai appris la force de l’autopoïèse, qui se construit de l’intérieur. La biodiversité des graines et des plantes est mon maître d’apprentissage pour la richesse et la liberté, la coopération et le don mutuel.

Graine, graine pure, bija, seme, semilla – source de vie, de renouvellement et d’exubérance. (N.d.T.: Bija veut dire littéralement graine en sanskrit. C’est une métaphore pour l’origine des choses.) La graine se renouvelle et se multiplie. La graine se régénère. Par elle-même. Pour toujours et à jamais… La graine incarne la continuité de l’évolution.

La graine nous apprend quelque chose sur l’auto-organisation, la création commune, le renouvellement. Nous pouvons nous tourner à nouveau vers la terre pour cultiver la vie dans la diversité, participer au flux de la vie et prendre soin de nos besoins. À une époque où les barons prédateurs prévoient de posséder toute la nature, toute la terre, et de nous obliger à payer pour nos besoins, nous devons suivre l’exemple de mes sœurs du mouvement Chipko, qui nous ont rappelé que les forêts ne sont pas des mines de bois, mais des sources de sol, d’eau et d’oxygène. Elles ont expliqué qu’elles entoureraient les arbres de leurs bras pour les protéger et qu’elles ne permettraient pas qu’ils soient abattus.

En ce jour de la Terre Mère et chaque jour où nous vivons et respirons, qui que nous soyons, où que nous soyons, donnons une accolade à la Terre Mère en remerciement pour l’air, la nourriture, l’eau, la vie dont elle nous fait cadeau, et assurons-la de notre amour profond pour la vie.

La Terre Mère n’est pas à vendre

Lorsque j’ai lancé le mouvement pour la sauvegarde et la liberté des semences, j’ai parcouru le pays pour attirer l’attention sur les lois sur la propriété intellectuelle du GATT/OMC (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce/Organisation mondiale du commerce), grâce à laquelle les entreprises voulaient devenir propriétaires des semences. Les membres de la tribu de Chattisgarh, qui ont développé 200 000 variétés de riz, m’ont expliqué que les semences sont un bien commun qui doit être reconstitué par distribution. Le riz est appelé Akshat, l’intact, l’intemporel, le souffle de vie. Ils m’ont demandé de revenir et de participer à la fête Akti, Akshaya Tritiya, une fête où l’on célèbre le cycle de la vie intacte, non pas en tant que spectateur, mais en tant que participant au cycle de renouvellement et de soin. Dans une prière prononcée lors d’Akshaya Tritiya, la Terre Mère nous indique que le sens de nos vies est l’amour et la miséricorde pour tous les êtres vivants.

« La connexion avec tous les êtres vivants par l’amour et la miséricorde est le sens de la vie ».

मित्रस्याहं चक्षुसा सर्वाणि भूतानि समीक्षे’- (यजुर्वेद- 36/18)

सभी जीवों ( विविध जीवों) के प्रति सहृदयता का परिचय देना ही जीवन का लक्षण है।

David Korten nous fait prendre conscience de notre potentiel à participer à « l’exaltation joyeuse qui survient lorsque nous assumons notre responsabilité de participer aux soins de la vie » [9].

 

Références :

[1] Une amie chère, maintenant décédée, généticienne qui a travaillé sur une théorie quantique de la biologie. Hunt, Tam. (2013). L’arc-en-ciel et le ver : L’établissement d’une nouvelle physique de la vie. Biologie communicative et intégrative. 6. e23149. 10.4161/cib.23149.

[2] Prentice, IC, Farquhar, GD, Fasham, MJR, Goulden, ML, Heimann, M, Jaramillo, VJ, Kheshgi, HS, Le Quere, C, Scholes, RJ & Wallace, DWR 2001, Le cycle du carbone  et le dioxyde de carbone atmosphérique. Dans JT Houghton, Y Ding, DJ Griggs, M Noguer, PJ van der Linden, X Dai, K Maskell & CA Johnson (eds), Changement climatique 2001 : La base scientifique. Contribution du groupe de travail I au troisième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Cambridge University Press, Cambridge.

[3] La Déclaration universelle des droits de la Terre nourricière (« la Déclaration ») a été proclamée le 22 avril 2010 (Journée internationale de la Terre nourricière) par les quelque 35 000 participants à la Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre nourricière.
https://www.navdanya.org/earth-university/universal-declaration-of-the-rights-of-mother-earth

[4] Harty, Declan. NYSE Is Pushing into the Market of Natural Assets ».mFortune, 14 Sept. 2021,( NYSE presse dans le marché des actifs naturels) https://fortune.com/2021/09/14/nyse-natural-asset-company-ieg-esg-investment-vehicle/

[5] « IEG ». IEG, https://www.intrinsicexchange.com

[6] « Solution ». IEG, https://www.intrinsicexchange.com/en/solution

[7] Webb, Withney. « La prise de contrôle de la nature par Wall Street progresse avec le lancement d’une nouvelle classe d’actifs ». Unlimited Hangout, 13 oct. 2021, https://unlimitedhangout.com/2021/10/investigative-reports/wall-streets-takeover-of-nature-advances-with-launch-of-new-asset-class/

[8] Timberlake J., Afrique en crise : Les causes et les remèdes de la faillite environnementale, Livre de poche ; Londres : Earthscan, 1985 ; ISBN-13 : 978-0905347578.

[9] Korten D. Civilisation écologique : De l’Urgence à l’Émergence. 26 mai 2021, https://davidkorten.org/ecological-civilization-from-emergency-to-emergence/

Traduit de l’allemand par Evelyn Tischer