Lettre du MSC au président du CSA au sujet du Sommet sur les systèmes alimentaires
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Ambassadeur Thanawat Tiensin
Président du Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale des Nations Unies (CSA)
Rome, le 9 février 2021
Monsieur le Président,
Salutations distinguées du Mécanisme de la société civile et des peuples autochtones pour les relations avec le CSA.
Par cette lettre, nous souhaitons poursuivre notre dialogue avec vous sur le Sommet sur les systèmes alimentaires. Nous apprécions fortement votre ouverture et votre intérêt à écouter nos préoccupations croissantes concernant le processus du Sommet depuis que vous avez commencé votre mandat comme Président du CSA en octobre 2019. Nous reconnaissons également que vous avez fait part de nos principales préoccupations à l’envoyée spéciale et au secrétariat du Sommet sur les systèmes alimentaires, notamment dans le cadre de l’échange de lettres entre le CSA et le Sommet en novembre 2020.
Nous ne répéterons pas les préoccupations que nous avons exprimées lors d’occasions précédentes, telles que l’appel ouvert lancé par les organisations de la société civile et des peuples autochtones pour répondre au Sommet, présenté lors de l’événement spécial du CSA en octobre 2020, ou la déclaration du MSC à la réunion du Bureau et du Groupe consultatif du CSA en novembre 2020. Ces critiques restent valables, en particulier les préoccupations concernant l’influence indue des entreprises dans la préparation du Sommet ; l’absence d’une base solide pour les droits humains ; le manque d’accent sur la véritable portée de la transformation que les systèmes alimentaires des entreprises doivent subir pour se réaligner avec les impératifs plus vastes et plus importants des personnes, des peuples et de la planète ; la menace que les institutions publiques démocratiques et le multilatéralisme inclusif soient sapés par le multipartisme.
Par cette lettre, nous voudrions répondre à une question qui nous a été adressée : dans quelles conditions le MSC pourrait participer au processus du Sommet. Comme nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, le MSC ne peut pas monter dans un train qui va dans la mauvaise direction. Par conséquent, les conditions générales de notre éventuelle participation sont liées à la question de savoir si les principaux organes de décision du Sommet sont disposés à répondre sérieusement à nos profondes préoccupations par une réorientation substantielle et radicale du déroulement actuel du Sommet. Il est donc essentiel que des progrès décisifs soient réalisés dans les domaines suivants :
S’éloigner de la capture des entreprises et réinstaller les droits humains, individuels et collectifs, les expériences et les connaissances des personnes et des peuples autochtones les plus touchés comme bases :
- Le Secrétaire général de l’ONU devrait enfin accepter la demande d’une réunion avec les principaux mouvements sociaux et les peuples autochtones sur la question du Sommet, comme le demande la lettre signée par plus de 550 organisations en mars 2020;
- Le Secrétaire général des Nations unies devrait exprimer sa volonté de réévaluer et de se retirer de l’accord de partenariat stratégique avec le Forum économique mondial et de redonner la priorité à la voix des personnes productrices d’aliments et des personnes consommatrices les plus marginalisées et les plus vulnérables ;
- Le Secrétaire général des Nations unies devrait mettre en place des garanties solides contre les conflits d’intérêts dans tous les organes et processus du Sommet, afin de garantir la centralité de l’intérêt public sur l’intérêt privé. Cela comprendrait des déclarations obligatoires de conflits d’intérêts par tous les membres de ces organes (groupe scientifique, comité consultatif, groupe des champions, voies d’action) afin d’exposer de manière transparente la carte complète des conflits d’intérêts existants et de permettre des actions correctives appropriées ;
- Les organes de décision du processus du Sommet, en particulier le Secrétaire général des Nations unies, le Comité consultatif et l’Envoyée spéciale du Sommet, devraient réaffirmer que les droits humains devraient être le pilier fondamental des systèmes alimentaires, et donc du Sommet, en veillant à ce que les analyses et les recommandations politiques de toutes les voies d’action reposent sur des approches fondées sur les droits et qu’elles visent à promouvoir et à faciliter la pleine réalisation de tous les droits humains.
Transformation des systèmes alimentaires sous l’emprise des multinationales :
- Le principe fondamental du Sommet devrait être de promouvoir une approche holistique et systémique qui reconnaisse la nature multidimensionnelle de l’alimentation (sociale, économique, écologique, culturelle et politique), qui affirme la souveraineté alimentaire (les droits des Peuples, des nations et des États à définir leurs propres systèmes alimentaires) et qui revendique les systèmes alimentaires comme des biens communs qui ne peuvent être laissés aux solutions du marché : cela exige non seulement la pleine participation et souveraineté des peuples, mais place également le bien-être des personnes, des peuples et de la planète au centre. Cela impose des réglementations strictes aux multinationales du système alimentaire afin de tenir compte de leur nature prédatrice et expansionniste et de les réaligner sur des impératifs sociaux, économiques, culturels et écologiques urgents ;
- Pour répondre à ce besoin urgent et inverser la mainmise des entreprises sur les systèmes alimentaires, il faudrait mettre en place une voie d’action supplémentaire, dans le cadre du processus officiel du sommet, pour se concentrer sur la transformation des systèmes alimentaires. Le Mécanisme de la société civile et des peuples autochtones mènera ses travaux en collaboration avec les organes des Nations unies et les gouvernements concernés, en tenant compte des implications transversales des autres voies d’action ;
- Il est entendu que le Mécanisme de la société civile et des peuples autochtones continuerait à organiser de manière autonome son processus indépendant pour répondre au-delà des limites formelles du Sommet et générer ses résultats indépendants sur les stratégies et les voies de transformation des systèmes alimentaires.
Défendre des institutions publiques démocratiques et un multilatéralisme inclusif :
- Le Secrétaire général des Nations unies devrait s’engager publiquement à ce que le Sommet et ses résultats renforcent la gouvernance des systèmes alimentaires fondée sur les droits humains à tous les niveaux. Cela implique attribuer des responsabilités et des obligations claires aux États en tant que responsables, aux individus en tant que détenteurs de droits, y compris les peuples autochtones, et réduire considérablement le rôle du secteur privé et des entreprises, conformément à son rôle de tierce partie en vertu du droit international et des droits humains.
- Dans ce contexte, le Secrétaire général des Nations unies et les États membres devraient également souligner l’importance d’un système multilatéral démocratique, comprenant le CSA et les agences basées à Rome pour la gouvernance alimentaire. Le Sommet doit renforcer, et en aucun cas miner, affaiblir ou remplacer le CSA ou ses composantes, en particulier l’indépendance du Groupe d’experts de haut niveau (HLPE) et l’autonomie de la participation de la société civile et des peuples autochtones à cette plateforme intergouvernementale et internationale la plus inclusive pour la sécurité alimentaire et la nutrition.
Nous vous demandons respectueusement de partager cette lettre avec le Secrétaire général des Nations unies, les principes de la FAO, du FIDA et du PAM, la Haute Commissaire des Nations unies aux droits humains, l’Envoyée spéciale et le Secrétariat du Sommet sur les systèmes alimentaires, ainsi que les membres du Bureau et du Groupe consultatif du CSA. Nous vous demandons également de rendre cette lettre disponible sur le site web du CSA, dans le cadre de l’échange de lettres du Sommet du CSA, pour information publique.
Vous remerciant pour votre attention, nous vous prions d’agréer l’expression de nos sentiments très respectueux.
Le Comité de coordination du Mécanisme de la société civile et des peuples autochtones pour les relations avec le CSA
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